L’abus narcissique : comprendre la mécanique destructrice et ses effets traumatiques durables

L’abus narcissique n’est pas une simple relation conflictuelle ou une incompatibilité de caractère. Il s’agit d’un système de violence psychologique, insidieux et coercitif, qui vise à prendre le contrôle psychique et émotionnel d’une autre personne, au point de l’amener à douter de sa réalité, de ses besoins et de son identité.

Cet abus peut se produire dans le couple, la famille, le milieu professionnel ou social. Ses effets sont comparables à ceux du harcèlement prolongé et conduisent fréquemment à un stress post-traumatique complexe.

Une stratégie de contrôle et de manipulation

L’abus narcissique repose sur un ensemble de stratégies intentionnelles ou semi-conscientes de domination :

Gaslighting : distorsion de la réalité de la victime, négation de ses ressentis, inversion des responsabilités. La victime finit par ne plus se fier à son propre jugement.

Séduction initiale : le narcissique capte l’attention par une phase d’idéalisation intense, créant un lien puissant et rapide.

Instrumentalisation : les confidences, les blessures et les vulnérabilités de la victime sont ensuite utilisées contre elle pour la déstabiliser.

Renforcement intermittent : alternance imprévisible entre affection et rejet, qui maintient la victime dans l’espoir et renforce l’attachement traumatique. Le fameux “chaud-froid”.

Dévalorisation et mise à l’écart : critiques, mépris, silences punitifs, humiliations.

Coalitions : le narcissique peut rallier d’autres personnes (famille, collègues, amis) pour renforcer l’isolement et la disqualification de la victime. On parle de singes volants, et de triangulation. cf mon livre “Tu ne m’auras plus” Eyrolles, mars 2026

Ces mécanismes visent à anéantir l’autonomie psychique de la personne ciblée.

Une dynamique profondément destructrice.

De nombreux auteurs et cliniciens décrivent chez le narcissique une blessure narcissique archaïque. Incapable de la symboliser, il chercherait à la détruire chez l’autre, utilisant la victime comme un parent symbolique à attaquer.

La relation devient alors un terrain de punition permanente :

  • reproches,

  • rejet,

  • humiliation,

  • culpabilisation.

Le narcissique se vit comme supérieur, légitime dans sa domination, et justifie ses actes par une rationalisation constante.

La régression et l’effondrement psychique de la victime

Sous l’effet de ces violences répétées, la victime entre dans un état de régression émotionnelle. Des traumatismes anciens, parfois infantiles, sont réactivés. Le narcissique provoque des avalanches émotionnelles en frustrant volontairement les attentes affectives qu’il a lui-même créées.

La victime peut avoir le sentiment de devenir « folle », perdre le contrôle, ne plus se reconnaître.

Ce chaos émotionnel est souvent décrit comme une agonie psychique, faite de chocs répétés et d’un sentiment d’impuissance totale.

L’attachement traumatique et le syndrome de Stockholm

Piégée dans une relation où la peur domine, la victime peut développer une forme d’attachement paradoxal à son agresseur. Dans certains cas, cela s’apparente à un syndrome de Stockholm : pour survivre, elle s’identifie partiellement au narcissique, adopte ses justifications, minimise l’abus.

La peur chronique altère la conscience, la capacité d’analyse et l’accès aux ressources internes. La victime obéit, se tait, se soumet, espérant inconsciemment retrouver la phase du début: la lune de miel.

Isolement, culpabilité et perte du libre arbitre

Progressivement, la victime est isolée de ses proches, coupée de ses repères et envahie par la honte et la culpabilité.

Sa perception de la réalité est altérée. Elle ne distingue plus le vrai du faux, ne ressent plus clairement ses besoins fondamentaux, et se reproche d’avoir « laissé faire », d’avoir abandonné des relations importantes ou perdu sa dignité.

L’abus se poursuit généralement après la rupture, sous forme d’auto-harcèlement psychologique.

L’intériorisation de l’agresseur et le trauma complexe

L’un des effets les plus délétères de l’abus narcissique est l’intériorisation de la voix de l’agresseur. Le narcissique devient une présence interne qui critique, menace, invalide.

Cette dynamique mène à une distorsion durable de la réalité, un stress post-traumatique complexe (TSPT-C), la dépression, anxiété chronique, honte toxique, l'isolement social, l’effondrement de l’estime de soi.

Les effets psychiques de l’abus narcissique sont comparables à ceux du harcèlement prolongé, qu’il soit conjugal ou professionnel.

Des conséquences économiques et sociales majeures

L’abus narcissique entraîne souvent des pertes économiques : du travail non rémunéré, de l’argent prêté et jamais rendu, des biens partagés ou confisqués, du sabotage professionnel.

Dans le contexte professionnel, le harcèlement dégrade les conditions de travail, crée un climat d’insécurité, provoque des traumatismes émotionnels et conduit fréquemment à une perte d’emploi ou de revenus.

Des répercussions sur la santé globale

Les survivants peuvent développer des états dépressifs sévères, une négligence de leur santé, des comportements autodestructeurs, des troubles psychosomatiques.

Le corps, lui aussi, garde la trace de l’abus.

L’enfance sous emprise narcissique

Dans les familles dysfonctionnelles, les enfants de parents narcissiques s’adaptent pour survivre. Le parent impose sa vision, nie les besoins émotionnels de l’enfant et l’utilise comme une extension de lui-même.

Qu’ils soient cérébraux, antagonistes, prédateurs ou paranoïaques, ces parents :

  • instrumentalisent leurs enfants,

  • détruisent la confiance fondamentale,

  • forcent le refoulement émotionnel,

  • empêchent la construction d’un ego stable.

Cela peut conduire à un faux self, des troubles de la personnalité ou un stress post-traumatique chronique.

Le stress post-traumatique narcissique

Selon certains auteurs, dont Sam Vaknin, le TSPT peut résulter d’événements prolongés dans la sphère familiale ou professionnelle, notamment la violence narcissique.

Les symptômes peuvent apparaître tardivement :

  • peur envahissante,

  • flashbacks,

  • états dissociatifs,

  • hallucinations,

  • phobies,

  • détachement émotionnel,

  • comportements paranoïaques ou autodestructeurs.

Certains survivants somatisent intensément.

Les enfants abusés confondent souvent l’abus avec l’amour, ce qui les rend vulnérables à d’autres relations toxiques à l’âge adulte — mais la libération est possible.

Les pistes de guérison

La prise en charge des victimes d’abus narcissique nécessite une compréhension fine du trouble de la personnalité narcissique, du stress post-traumatique complexe, et de la codépendance.

A mon sens, seul un travail de libération somatique, type somatic experiencing, peut libérer la personne durablement et efficacement des traces de l’emprise.

Sortir de l’état traumatique

Le traumatisme peut être compris comme un état hypnotique figé. Il est possible de s’en réveiller progressivement pour retrouver une autonomie psycho-affective.

La guérison permet de percevoir la réalité sans filtre traumatique, en n’étant plus gouverné par les souvenirs, de se reconnecter à son identité authentique, de ressentir une joie simple, non conditionnée.

La sortie de l’abus narcissique n’est pas un oubli : c’est une reconstruction profonde, lucide et incarnée. Je vous accompagne dans cette reconstruction.

Pour en savoir plus retrouvez mon livre “Tu ne m’auras plus” paru chez Eyrolles en mars 2026.

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Trauma et relation toxique